La terre des Viahle de Claude Michelet. ED: Robert Laffont.

« Toute idée non conforme au gabarit devra être éliminée ». (John Steinbeck)

Cette phrase est citée par Claude Michelet lui-même pour illustrer son propos et la tonalité du dernier roman de cette saga familiale: une dénonciation.

Si les terres des Viahle n’ont pas bougé de place, en revanche, les Viahle eux-mêmes ont eu, dans ce quatrième roman,  tendance à se disperser plus ou moins loin de la Corrèze. C’est ainsi que Dominique et Béatrice, parents de deux enfants, ont posé leurs bagages en Nouvelle-Calédonie où, en ces périodes troubles, il convenait de composer avec les Kanaks. Actualité brûlante de l’époque.

Le fils de Jacques, jean, fonctionnaire auprès du ministre de l’agriculture, rentrant de Bruxelles, fait la connaissance d’une charmante brune, journaliste: Olivia Masson. Une idylle à venir.

Puis, on les  retrouve eux aussi en Nouvelle Calédonie pour s’associer au cousin déjà sur place. Les coutumes de là-bas, les événements d’Ouvéa mettent en relief le dépaysement et les us et coutumes des lieux.

Jacques est bien malade maintenant; il fait une crise cardiaque; son activité est remise en cause. Il faut passer la main. Dominique revient à Saint Libéral pour réglet avec sa soeur les affaires  dans la perspective de l’avenir .

Dans la scène finale, Mathilde demande à monter au Puy Blanc où, jadis elle avait relevé avec Léon, Pierre-Edouard et Louise les collets de grives, les avoir abandonnés aux loups, effrayés qu’ils étaient. Elle se souvient de la rencontre amoureuse avec Pierre-Edouard, de la célébration de ses Noces d’Or en sa compagnie. 

Dominique, l’héritier, a loué un 4X4. Mathilde contemple la terre des Viahle. Comme si Claude Michelet faisait un bilan  de la saga, comme si l’auteur dressait un bilan sur la vie qui naît, s’écoule et meurt, à l’image de la nature et de l’activité agricole qui subit les décisions de ceux qui ne la cultivent pas mais décident loin de toute réalité.

Ce roman, écrit en 1998 est plus qu’un roman. Il est aussi un témoignage des temps passés qu’on ne rattrape plus et une mise en garde contre les présents qui saccagent, broient, font un trait sur le passé et privilégie la technocratie qui remplace le bon sens. Jusqu’à quand?

Alain Dagnez.

L’appel des engoulevents. De Claude Michelet. ED: Robert Laffont

Une étonnante critique des politiques liées à la terre. 

On y retrouve, bien sûr, Pierre-Edouard et Mathilde, tous deux vieillissants. Ils évoquent leur descendance nombreuse en petits fils et petites filles et leurs oeuvres; mais aussi leur fils, Jacques, l’aîné, ses soeurs, Louise et Berthe, revenues vivre ensemble à Saint Libéral. Et Yvette, femme de Léon, décédé.

Voici le troisième opus de la saga « Des grives aux loups », « l’appel des engoulevents »; sans doute le plus abouti, le plus engagé aussi.

Ce qui est inattendu dans ce troisième roman, au contraire de ce qu’on pourrait penser d’un auteur de terroir, que l’on imagine conservateur, soucieux de ses personnages, c’est la critique en filigrane ou directement, des politiques rurales, des terres laissées en jachère, du productivisme et de la politique agricole commune.

Claude Michelet s’en prend aux fabricants de produits phytosanitaires parla bouche de Dominique, le petit fils, qui ne supporte plus les programmes de son employeur, Mondiagri, que chacun pourra reconnaître.

Au-delà encore, le sort qu’on réserve aux personnes âgées, leurs souffrances à l’hôpital, loin des leurs au lieu de les laisser finir leur vie paisiblement auprès de leurs familiers et ce qu’est devenu la médecine dépourvue d’humanité. 

On en est étonné: ce livre a été écrit en 1990.

Mais il faut savoir que Claude Michelet est le fils d’un ministre du Général de Gaulle. Bon sang ne saurait mentir!

La maisonnée est calme ce jour-là, puis frissonne à l’annonce de  la naissance du premier arrière  petit-fils de Pierre-Edouard: Pierre s’appelle-t-il. Mathilde est aux anges.

Pierre-Edouard, le patriarche, heureux de l’oeuvre accomplie, ce matin de mai, ne se lèvera pas, dans un final éblouissant, dont Claude Michelet a le secret.

Le dernier tome est à portée de main. L’ouvrirons-nous?

Alain Dagnez.

Les palombes ne passeront plus de Claude Michelet. ED: Robert Laffont

Ah, la terre! Entre deux guerres.

Retrouvons les Viahle après la Grande Guerre; le père, Jean-Edouard,  s’est mis en retrait et veille au grain. Son fils, Pierre-Edouard a pris sa succession avec de nouvelles méthodes. Il a épousé la douce Mathilde; ils ont, pour le moment, deux enfants, Jacques et Paul; le premier est sage tandis que le second est plus intrépide.La première soeur Louise est veuve pour la seconde fois. Quant à Berthe, elle vit à Paris, loin de toute autorité et se lance dans la mode.

Cette période connaît ensuite ses nouveaux bouleversements, le Front Populaire et la seconde guerre mondiale.

  Dans le village, Léon, l’ami de toujours, grand blessé de guerre est devenu maire et  poursuit son métier de « chevilleur », dit-on chez nous,  avec succès. On assiste à l’arrivée de l’électricité, la mécanisation de l’agriculture et l’exode des jeunes vers la ville.

Mais c’est autour de la famille Viahle que se déroule l’intrigue, même si on se détache progressivement du village de Saint Libéral. Les personnages sont attachants; il leur arrive de nombreuses aventures: Jacques est fait prisonnier; Berthe a pour compagnon un allemand ; elle refuse de collaborer, est envoyée à Ravensbrück. Elle survivra. Louise est dame de compagnie. Paul part pour Londres.

La guerre s’achève et le siècle s’étire et s’agite.

Les Viahle achètent des terres et s’agrandissent. Ils modernisent leur exploitation et transforment leur habitation.

Ce second roman de terroir montre l’évolution rapide qui fut imposée aux paysans: la mécanisation à marche forcée, les rendements, les grandes propriétés et les hommes qui s’abîment à la tâche.

Le final met en présence Pierre-Edouard et Mathilde, qui fêtent leurs noces d’or, font le bilan de leurs vies avec leurs joies et leurs peines. Ils montent, se tenant par la main vers le Puy Blanc où ils s’étaient déclarés et s’étreignent tendrement.

La passage est émouvant, l’histoire passionnante. On ne saurait trop recommander ce second livre autant que le premier. Et voici que s’annonce le troisième.

Alain Dagnez.

Des grives aux loups. Claude Michelet. ED: Robert Laffont.

Miladiou!

Claude Michelet est décédé, le 26 mai dernier. Il est l’auteur d’innombrables ouvrages, dont cette saga familiale de terroir, que nous allons lire et commenter ces prochains mois: une façon de lui rendre un dernier hommage.

Principale héroïne: La famille Vialhe: ; Jean-Edouard, propriétaire de nombreuses terres agricoles du village imaginaire de Saint Libéral. Il règne en maître absolu sur sa polyculture et sur sa famille, composée de son épouse Marguerite et de ses trois enfants, Pierre-Edouard, Louise et Berthe. 

L’époque: peu avant la Grande 

Guerre. On se plaît à se rappeler que les travaux des champs se faisaient à l’aide de boeufs, de charrues et de socs  profonds, à une époque où, la révolution industrielle n’avait pas encore permis la mécanisation de l’agriculture. Le train permet enfin la circulation des biens et des personnes.

Il est tout aussi intéressant de voir évoluer cette famille où, lorsque le chef est un tyran, la famille cherche à s’évader. Vous verrez comment Louise quitte le vaisseau familial pour l’amour d’un beau géomètre, contre l’avis de son père puis Pierre-Edouard, lui aussi en butte avec l’autorité paternelle et enfin, Berthe, trop heureuse de s’émanciper de cette ambiance que fait peser le pater familias.

Vient la guerre, les malheurs qui accablent les familles les unes après les autres. On est transporté sur les champs de bataille pour se rappeler que la guerre ne saurait être considérée comme une partie de plaisir. S’il n’est pas déclaré mort, l’un revient avec des moignons; tel autre lui ne se remettra pas de la fureur des combats. Marqués à vie.

Et l’observation des rapports humains, les jalousies, les coups tordus, les amitiés solides et la sincérité des amours villageoises.

Et cette fin, émouvante de tout ce qui n’a jamais té dit. Ce vieux père, dans des regrets qui ne s’expriment pas par fierté mal placée.

Un beau roman du tréfonds de la France à l’usage des anciens en mal de souvenirs et de la jeunesse en quête de ressourcement. 

Alain Gagnez

35 kilos d’espor de Anna Gavalda. ED: je bouquine.

Une roue de secours familière.

On dit que ce livre – court et facile – est conseillé aux adolescents. Toutefois, les adultes seraient bien inspirés de le parcourir tant il risque de les renvoyer à leurs propres souvenirs.

Grégoire, le jeune narrateur, nous confie sa scolarité mal vécue; pas exactement; l’école fut, pour lui, aimable à ses débuts mais la réalité quotidienne et les échecs successifs ont fini par le rendre malheureux.

Il ne trouve pas d’aide auprès de ses parents, trop occupés à se chamailler ni auprès des professeurs qui l’accablent de ne pas entrer dans leur moule. Que faire? L’éloignement de ceux qu’on aime mais ne savent guère s’y prendre pourrait être la solution.

Un recours aussi, celui de son grand-père, Grand Léon, qui, outre de lui transmettre les gestes techniques de son savoir-faire manuel, l’invite régulièrement dans son placard ou armoire à confidences. Il se crée une réelle amitié indéfectible.

Mais voilà l’ancêtre tombe malade…

Anna Gavalda s’y entend à nous proposer des romans, grands ou petits, qui s’inscrivent dans la réalité du quotidien, sans être, pour autant, ni ordinaires ni moralistes. Nous lui en sommes très reconnaissants.

Alain Dagnez.

Le temps des amours de Marcel Pagnol. ED: livre de poche.

« Les bons souvenirs sont des bijoux perdus. » (Paul Valéry.

Lire Marcel Pagnol, c’est se réconcilier avec l’humanité. C’est se laisser pénétrer de l’accent provençal, et non marseillais, de cet auteur prodigieux, curieux, touche à tout.

Ici, le « temps de amours », quatrième opus des « souvenirs », après « la gloire de mon père », le château de ma mère, le temps des secrets ».

Certes, ce livre n’a pas la finition des trois premiers, puisque M. Pagnol n’eut pas le temps de le fignoler mais il a la saveur de la spontanéité.

Certes, d’amours,  il n’est que peu question, sauf celles du pauvre Lagneau qui, outre d’être l’auteur, au début du livre de projections plafonnières de caricatures de ses maîtres et qui ,soupçonné à juste raison, se vit sauver par Marcel. Brave Marcel! mais qui, n’eut,  pour amour, qu’un lamentable raté auprès de Lucienne; qui se doubla d’un second au baccalauréat?

Il est question de la scolarité au lycée Thiers de Marseille, non pas sur l’aspect de ce qu’on y apprend mais plutôt sous celui des mille et une facéties d’un futur académicien qui observe son petit monde et jauge les humains.

Il est aussi question, une fois encore, de l’admiration qu’il eut pour son père, Habile papa, non plus chasseur de bartavelles mais tireur d’élite aux boules provençales, au point de faire basculer un concours. Et bien des choses encore, que vous savourerez avec délice.

Marcel Pagnol, de qui on disait, à tort, qu’il était dilettante, est un courageux qui ne veut pas le déclarer tant son ouvre est nombreuse, riche et unique.

A la fin de ce livre et, hors du propos, il dit au sujet de ses maîtres qui lui enseignèrent la physique et la chimie, qui n’étaient pas sa fougasse: « mais ces deux bons maîtres m’avaient appris, à mon insu, la seule chose qu’ils pouvaient m’apprendre et qui étaient capitales: ils m’avaient appris le désir d’apprendre ».

Alain Dagnez.

LES USURPATRICES de CHRISTINE ADAMO; ED: LIBRINOVA

Les usurpatrices de Christine Adamo. ED: Librinova

Un capricccio italien.

    Avis aux lecteurs: Merci d’entreprendre ce livre si et seulement si:

  •       vous aimez voyager par l’esprit, découvrir le monde.
  •       vous pensez que l’Histoire, petite ou grande, n’est, en définitive qu’une seule et même histoire.
  •       les romans tortueux où on se sent tourneboulé, chaviré, emporté comme un plaisir des sens, vous séduisent.

Christine Adamo, dont nous avons déjà commenté de nombreux opus, nous surprend chaque fois, livre ici un ouvrage dont on ne peut sortir que « désorienté » tant elle n’a pas ménagé son lecteur, le transportant d’un bout du monde à l’autre, le menant à reculons de 2001 à1970, puis, progressant jusqu’en 2007, lui présentant des personnages qui ne semblent  n‘avoir aucun lien entre eux. Voire.

Tout commence le fameux 11 septembre 2001, au WTC, plus exactement au World Trade Center de New-York, dans chacune des tours où un avion s’est planté. Dans l’une Alcina, enceinte; dans l’autre Tom, son compagnon. Qui apprend que cette naissance à venir qui ne viendra pas, n’est pas dû à ses oeuvres, si vous voyez?

Puis, vous irez en Australie où La mère et la tante d’Alicia, aux origines Italo-frioulaise, s’accrochent aux nouvelles.

Et, à brûle pourpoint, vous parcourrez les lettres qu’ont échangées une certaine Mary avec une autre certaine Peggy dans les belles années 70. Quel rapport? On vous laisse en attente avec les quatre saisons de Vivaldi. Charge à vous de reconstituer le puzzle!

Vous invoquerez tous les anges protecteurs d’Alcina, de Tom, de Mary, de Teresa et autres afin qu’ils vous aident à reconstituer votre carte cognitive.

  Et, à la fin, il vous restera tout votre temps de lecture pour que doucement le mystère perde de son épaisseur mais gagne en suspense.

Une dernière chose: ajouter à votre liste d’inconnus, un certain Nicolaï, qui n’est pas pour rien dans cette aventure. Et qu’on ne croise jamais. Bonne lecture!

Alain Dagnez.

La plus précieuse des marchandises de JC. Grumberg. Ed: Seuil.

Un train d’enfer.

Les contes ont émerveillé ou «effrayé notre enfance. Beaucoup contiennent l’adjectif « petit dans leurs titres: « la petite sirène », « le petit Poucet », « la petite fille aux allumettes » et d’autres encore. « Tout ce qui est petit est gentil, disait mon arrière grand-mère. 

Dans ce conte, où, bien sûr, tout est inventé, une bûcheronne et son mari,  bûcheron de son état regardent passer les trains qui, régulièrement, circulent près de leur maison. Tout est en ordre. Sauf qu’un jour, du train est jeté un paquet. La pauvre bûcheronne, qui n’a pas d’enfants, entend jaillir du paquet entouré d’un châle ouvragé à dentelles dorées, des vagissements: un bébé. Une petite fille. 

La pauvre bûcheronne rapporte chez elle son précieux fardeau et en parle à son pauvre bûcheron de mari. Il n’en veut pas, se méfiant, à la vue du châle, de ce qu’on lui a dit des « sans-coeur », cette « race maudite ». Nous sommes en 1942.

Les trains qui passent viennent du camp de Drancy où on a parqué ces gens avant de les envoyer vers leur destination finale.  Fatale.

Alors, la pauvre bûcheronne se démène pour trouver du lait de chèvre, portant chaque jour, en échange, un fagot de bois à un voisin aimable. 

Petit à petit le pauvre bûcheron réticent finit par fondre devant cette petite fille qui lui tend les bras.

Mais les bons citoyens, qui ne veulent pas de ces soi-disants « sans-coeur » de la « race maudite », finissent par découvrir le pot aux roses et se mettent en ordre de marche pour montrer Ô combien ils sont de bons citoyens.

On ne dit jamais à l’avance, comment un conte finit mais on peut comprendre que l’Histoire peut se répéter parfois sous d’autres formes et qu’il faut être vigilant pour ne pas croire ce que l’on dit sur des gens qu’on vous désigne comme « pas comme il faut ». La tentation de ne pas voir et de ne pas entendre est grande, tant notre désir de tranquillité prend le dessus sur nos valeurs qu’on n’a pas définies.L’Hostoire bégaie.

Alain Dagnez

Crénom, Baudelaire! De Jean Teulé.ED:Mialet-Barrault.

Noirceur de l’âme.

Jean Teulé s’ingénie à déconstruire dans ses biographies  des personnages dont on s’était façonné les belles images. Il l’avait ainsi fait pour Villon, par exemple, même si ce dernier fût, apriori, déjà un vilain bougre. Sans compter « le Monespan ». Et autres.

Rappelez vous: nous avons tous aimé et peut-être appris « l’albatros », qui relate en vers le retour du bel oiseau sur le pont du « navire glissant sur des gouffres amers », « ses ailes de géant l’empêchent de marcher.» De même, est le poète. Et bien plus celui-ci. Baudelaire.

A travers un récit cru, dépouillé de tout artifice ou esthétisme, il nous décrit, dès le début, un poète maudit, qui n’a rien réussi, sauf sa poésie..

Aimé  de sa mère, Caroline, en hostilité avec son beau-père, M. Aupick, qui l’envoie par bateau en stage lointain pour qu’il n’encombre plus ici.

Grâce aux subsides de sa mère, Baudelaire doit se forger une personnalité et entreprendre sa vie. Il ne trouve d’exemples que dans les contre-exemples et fréquente des semblables à l’odeur de stupre et de produits illicites

En amour, ce n’est guère mieux: les siennes ne servent qu’à lui prodiguer des maladies vénériennes. Son inspiratrice principale, Jeanne, beauté sculpturale de couleur et malade du sexe.

D’autres pourraient lui convenir, comme Apolline Sabatier mais il s’ingénie à dilapider la confiance de la dame et à faire capoter la rencontre.

Il fréquente les beaux salons; il est à côté de Courbet qui le peint, ainsi qu’il peint Jeanne, les frères Goncourt, Gérard de Nerval, Berlioz, Musset d’autres encore. Du beau monde. Sans compter Verlaine et Rimbaud en photos de famille immortelle.

Des admirateurs l’invitent en Belgique où sa prestation publique est tellement ratée que, même ceux qui l’ont fait venir finissent par le déjuger. Au point qu’on ne sait s’il s’agit d’une biographie documentée ou d’une divagation autour de quelques repères historiques.

Un triste vie, une triste fin, Baudelaire nous laisse un goût amer. C’est le talent de Jean Teulé: nous aider à ne pas aimer celui dont il décrit la vie. Restent les quelques vers sublimes distillés en cours de pages.

« Ö mort, vieux capitaine,

Il est temps! Levons l’ancre! » 

Il s’éteint à 46 ans, malade de ses jouissances.

Etait-ce la réalité? C’est, en tout cas celle de Jean Teulé. Pour finir, Victor Hugo, en guise d’hommage: » vous créez un frisson nouveau. » Tristes frissons.

Alain Dagnez., 

Marie Curie prend un amant. Irène Frain; ED: Seuil.

Marie Curie prend un amant. Irène Frain. Ed: seuil.

« La veuve illustre ». Une femme libre.

Parmi les belles images de nos héros, on trouve celles de Pierre et Marie Curie. On a en tête les photos et représentations de ces deux savants, penchés sur leur découverte; le radium. Le prix Nobel leur est décerné. 

Mais le sort en décide autrement: une charrette, une roue qui passe; Pierre, la tête fracassée, meurt. Chagrin.

L’hagiographie pourrait s’arrêter là et Marie Curie poursuivre sa vie de veuve admirable et célébrée mais le destin va en décider autrement.

Irène Frain nous présente une autre femme: derrière la physicienne, la femme vivante, joyeuse, libre; tout le contraire de l’image lisse, posée, un tantinet rigide.

Paul Langevin, savant lui aussi, inventeur, entre autres, du sonar, qui a donné son nom a de nombreux collèges et écoles, est un intime des Curie. Il est marié avec une furie qui le frappe et l’humilie. Il s’en confie à Marie; ils tombent dans les bras l’un de l’autre. Se noue une idylle aux conséquences dévastatrices: la ligue de bonnes moeurs s’en prend aux amants pour conduite immorale. La presse, pas avare de choux gras, publie des lettres, on pénètre chez Marie Curie, on casse, on invective, on poursuit. Le scandale.

Pour calmer les événements, Marie et Paul finissent par promettre de ne plus se voir.

D’un autre côté, Marie, par les expériences qu’elle mène est pressentie pour un deuxième prix Nobel, de chimie cette fois. Qu’elle obtient. Première femme à recevoir deux fois cette distinction.

Tel est ce récit incroyable d’une savante amoureuse deux fois, prix Nobel deux fois.

On voudrait que nos héros aient une vie lisse et sage et qu’ils se contentent de rester dans la case qu’on leur assigne, par goût de la simplicité, voire du simplisme. Les savants ont aussi des sentiments.

Chez les Curie, tout le monde a eu un prix Nobel: Marie, Pierre, Irène Joliot-Curie, leur fille, avec son mari. Seule, Eva, pianiste reconnue et seconde fille plaisantera sur cette défaillance, la concernant, ajoutant non sans malice, que son mari, avait reçu le prix Nobel de la Paix pour son engagement dans la création de l’UNICEF. Certaines personnes ont des fréquentations réussies.

Alain Dagnez.