L’audace de la liberté de Karin Hann. ED: Du Rocher

« La femme a le droit de monter à l’échafaud; elle doit avoir également celui de monter à la tribune ». In Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.

De Montauban à monte à « Louisette »*

On ne ressort pas de ce roman historique tout à fait indemne. Nos a priori favorables à la Révolution,  période des Droits de l’Homme,  tombent de haut.

On se demande comment on a pu passer de si belles espérances à de si noires périodes.

Dans un premier temps, Kartin Hann nous retrace les premiers pas dans la vie de son héroïne, Olympe de Gouges, fille naturelle de Le Franc de Pompignan, académicien. Très jeune, elle affiche un goût immodéré pour la liberté. Elle ne fait pas grand chose comme les dames de son époque en matière de conventions et la période qui s’ouvre à elle lui donne des raisons d’espérer en la vie.

Elle est mariée, mal; devient mère d’un fils chéri prend des amants et monte à Paris où elle rejoint les clubs où fleurissent les idées nouvelles. La révolution éclate?

Parallèlement, l’auteure nous conte la jeune reine, au petit Trianon, qui mène une vie au naturel, sensible aux idées de J.J. Rousseau. Elle se montre très enjouée, sans doute un peu frivole mais devient une mère aimante et une épouse dévouée au fur et à mesure de la maturité et de la force des événements.

Son époux, Louis le seizième est un roi peu autoritaire mais plus éclairé qu’on ne le croit, qui progressivement s’attire les foudres des excités contre la monarchie.  

La Révolution commence par le meilleur: elle déclare les Droits de l’Homme, abolit les privilèges et proclame l’égalité entre les Hommes, sous l’impulsion de Mirabeau, favorable à une monarchie constitutionnelle,  qui meurt bientôt. Sans doute trop tôt.

Puis tout part à veau l’eau: les droits se restreignent, les accusations oiseuses se multiplient. Olympe a beau déployer tout son talent sous forme de textes, comme sa Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne ou ceux sur l’égalité des Noirs ou sous la forme de pièces de théâtre et d’affiches placardées sur les murs de Paris, la Terreur prend le dessus  et les charrettes du « moulin à silence »* transportent, sans limites, leurs cargaisons de condamnés.

Mais c’est lorsque que Karin Hann nous raconte  les moments où la « ci-devant » reine doit se séparer  de son époux et de ses enfants que l’émotion nous étreint. Et aussi, lorsqu’elle affronte ses accusateurs ou lorsqu’elle monte à l’ échafaud: l’instant est émotionnellement insupportable. Quant à Olympe, arrêtée à son tour, elle fait face ses juges avec bravoure et transforme notre émotion précédente en admiration absolue. Elle tombera sous la lame du « rasoir national ».*

On apprend beaucoup à travers cet ouvrage qui rend la Révolution et ses révolutionnaires extrêmes sensiblement moins aimables.

C’est un beau livre, instructif, documenté et émouvant que l’on referme avec regret, comme chaque fois que nous plongeons dans un des opus de Karin Hann.

Alain Dagnez.

« Louisette », « moulin à silence », « rasoir national »: autres dénominations de la guillotine. Retenez le ravissant « monte à regret ».